se dire oui

A qui vous dites non quand vous dites oui ?

Dans les dialogues, le seul dialogue qui soit considéré comme un dialogue est celui dans lequel les deux interlocuteurs sont au même niveau, à égalité de langage. Souvent, on n’y est pas. Je vais vous faire escalader les deux étages du dialogue inégal et vais vous montrer comment rendre service à soi et à l’autre en se remettant tous deux au rez-de-chaussée…
« Tu me prêtes la voiture ce week-end ? » Réponse : « oui, bien sûr ».
« Tu voudrais bien prendre le pressing en rentrant ? » Réponse : « oui, bien sûr ».
« Tu peux chercher les enfants jeudi ? J’ai un meeting important.» Réponse : « oui, bien sûr ».

Vous l’aurez deviné, cette manière de procéder est le premier étage.

Plus subtilement, vous pourrez aussi entendre :
« Cela ne t’ennuierait pas de me repasser une chemise, je n’ai plus rien à me mettre ? Réponse : « non, bien sûr ».
« Cela ne te dérange pas que j’aille au match avec des potes samedi soir ? » Réponse : « non, bien sûr ».
« Cela ne t’encombre pas si je laisse ma planche à voile dans ton garage cet hiver ? » Réponse : « non, bien sûr ».

Comme vous pouvez le lire, toutes ces réponses, qu’elles soient « oui » ou « non », affirmatives ou négatives, sont toutes des réponses positives données… à l’autre.

Ce qu’on voit moins facilement, c’est que cette réponse « oui » à la demande de l’autre est de facto une réponse négative, un « non » qu’on se donne à soi. Vous allez comprendre.

« Tu me prêtes la voiture ce week-end ? » Réponse : « oui, bien sûr ». Cela sous-entend que ce week-end, vous n’aurez pas la voiture. Vous ne pourrez pas aller faire la grande promenade que vous aviez envie de faire. Vous n’irez pas rendre visite à Tante Hortense, vous ne ferez pas les courses de la semaine, vous n’irez pas chercher ce que vous vouliez, ou deviez, samedi. Ce « oui » donné à l’autre a comme conséquence que vous vous dites « non » à vous-même.

Quelle importance me direz-vous ?

Le message que vous vous donnez est que vous passez après. Après l’autre, après les besoins de l’autre. Que vous êtes moins important.e. que l’autre. Qui croyez-vous est la personne la plus importante au monde ? Vous et toujours vous-même ! Cela ne veut pas dire qu’il ne faut jamais répondre « oui » à l’autre, mais avant de donner cette réponse, il s’agit de vérifier si vous n’aviez pas décidé ou planifié ou voulu autre chose. Car au même titre que la personne à qui vous refusez de prêter votre voiture va ou risque d’être frustrée et de vous le signifier, avec bouderie, colère ou carrément claquage de porte, quand vous vous dites « non » à vous-même, vous vous frustrez de la même façon. Sauf que vous allez bouder « à l’intérieur » de vous, vous faire une colère « interne », vous traiter de tous les noms « en silence », vous faire des reproches « négatifs », bref, vous infliger une frustration, qui va s’ajouter aux frustrations déjà empilées dans votre être. Jusqu’au moment où la pile de frustrations va s’écrouler. Et les autres de dire : « Mais je ne comprends pas, cette personne était tellement gentille, généreuse, attentionnée ! »

Avant de dire « oui » à l’autre, demandez-vous si vous êtes en train de vous dire « non ». Et décidez quelle est la personne la plus importante au monde, en toute conscience. Il peut que ce soit l’autre, mais uniquement parce que vous l’avez décidé. Sinon, c’est vous, et seulement vous.

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