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«Madame Blocher insulte les femmes qui travaillent»

Le modèle bourgeois séduit de moins en moins les femmes suisses.

SARA SAHLI, L’EXPRESS – L’IMPARTIAL SAMEDI 20 JUILLET 2013 

Contexte

«Dans de nombreuses familles, la femme exerce une activité lucrative, même financièrement inintéressante, juste pour suivre la mode», a lâché Silvia Blocher dans la presse alémanique cette semaine. Les propos de l’épouse de l’ex-ministre UDC ont déclenché une pluie de réactions sur le web.

Le mari au boulot, l’épouse aux fourneaux? Le modèle bourgeois a perdu du terrain. Ce serait même «un des changements culturels et sociaux les plus marquants de ces dernières décennies en Suisse», commente l’Office fédéral de la statistique. La proportion de femmes au foyer s’élevait encore à 60%dans les années 1990. Elle a chuté à 37% en dix ans.
Parallèlement, la Suisse détient le record européen du travail des femmes à temps partiel. Un effet de «mode», comme le critique l’épouse de Christoph Blocher?
L’avis d’une autre mère de famille, aux antipodes du modèle traditionnel que prône Silvia Blocher… Ex-banquière, membre du PLR à Genève, Jill Székely a rajouté à son CV la fonction de «womanager» de la société Swiss Women in business, une plateforme de services pour les femmes dans le monde professionnel. Que vous inspirent les paroles de Silvia Blocher? Madame Blocher insulte toutes les femmes qui exercent une activité professionnelle, quels que soient leurs salaires. Travailler n’est pas une «mode», mais un choix d’être indépendante, de ne pas s’assujettir à quelqu’un. Au delà de la question du revenu – peu de couples peuvent se permettre de vivre avec un seul salaire – la profession est aussi une partie intégrante de l’identité d’une personne.

N’y a-t-il pas un manque de reconnaissance en Suisse pour les femmes qui décident d’interrompre leur carrière pour s’occuper de leur famille?

C’est aussi du travail… Je ne dis pas que de rester au foyer n’est pas un travail! J’en sais quelque chose puisque j’ai mis ma carrière à la banque entre parenthèses pendant quatre ans pour m’occuper de mes trois enfants. Beaucoup de femmes ont honte d’être restées au foyer au moment de vouloir reprendre leur activité professionnelle.
A tort. Il n’y a pas de trou dans mon CV. J’y mentionne que j’étais CEO de la PME famille, un poste qui demande une foule de compétences! J’ai aussi profité de cette période pour suivre des cours à l’Université.

Il s’agissait dans votre cas d’une parenthèse. Que dire des femmes, comme l’épouse de Blocher, qui se consacrent entièrement au foyer?

C’est leur décision et je la respecte. La femme de Blocher devait accomplir un certain nombre de tâches. Une femme de ministre ne chôme pas… Sans parler de l’éducation des enfants. Mais si son mari devait la quitter, que ferait-elle, après avoir construit sa vie autour de lui? Ce qui me dérange, c’est qu’elle se permette de critiquer celles qui font un autre choix que le sien.

Ce choix de poursuivre sa carrière peut devenir difficile à assumer quand on a des enfants…

C’est l’autre chose qui me dérange. Le problème mis en avant sont les enfants, mais ce n’est pas une question propre aux femmes. Plutôt que d’aborder la question du travail des femmes, il faudrait s’intéresser à celle du travail dans le couple.
Trop longtemps, on a dédié les affaires privées et de la famille à la femme et le domaine public (la politique, la carrière) aux hommes. Quand les femmes ont commencé à l’investir, elles ont dû cumuler les deux domaines, ou à devoir faire le choix d’abandonner leur profession. L’homme n’a toujours qu’à se soucier de sa carrière.
Exclus de la sphère privée, les pères se retrouvent souvent privés de leurs droits familiaux lors des divorces. De plus en plus d’associations de pères se battent pour que leur rôle soit reconnu dans l’éducation des enfants.

Les entreprises seraient-elles encore trop réticentes à offrir des postes à temps partiel aux hommes?

Il y a du chemin à faire, mais il faudrait aussi que les hommes en fassent la demande. Il y a quelques années, c’était encore difficile pour les femmes de prendre les mercredis. Il n’en était pas question dans la banque où je travaillais. J’ai appris que c’est désormais une mesure qu’elle propose spontanément…
L’éducation joue aussi un rôle. Mes enfants ont envie de participer à la vie de famille. Les femmes, de leur côté, devraient aussi lâcher un peu leur «pouvoir» sur la sphère privée.
adobe-32-bg-white L’Express – L’Impartial | 20 juillet 2013 | Madame Blocher insulte les femmes qui travaillent (PDF| 113ko)

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