Le genre n’a pas de sexe !

Quand on parle du genre on pense d’abord au genre grammatical. Si vous ouvrez le dictionnaire, un mot qui est un nom commun est soit masculin, soit féminin. Il est à noter que dans notre langue française, il n’y a pas de neutre. Dans d’autres langues, comme l’allemand, il existe le neutre, et le mot « enfant » par exemple, se traduit par « das Kind », et non « der Kind» masculin ou « die Kind» féminin.
En anglais, tous les noms sont précédés de l’article « the » ou « a », quand bien même le nom commun est féminin ou masculin. Par exemple, le mot « a ou the ship », un bateau, est féminin.
En français, en revanche, on peut dire « un » ou « le » chien, et il sera dit qu’il s’agit d’un « nom commun masculin ». Il existe aussi son versant féminin qui est « la chienne » ou « une chienne », qui est un « nom commun féminin ».
Il en va de même chez les humains.  Le mot « homme » est un nom commun masculin, alors que le mot « femme » est un nom commun féminin. On dit « un » homme et « une » femme.
Vous constaterez que tous les noms communs sont donc soit masculins, soit féminins, ce qui est bien leur genre grammatical. Mais cela n’a rien à voir avec le « genre » qui est donné au mot. Le déterminant de genre est donné avec son mot, il est né avec. Il a été décidé que le mot « voiture » était du genre féminin alors que le mot « véhicule » est du genre masculin. C’est différent en ce qui concerne l’acte volontaire, plus ou moins conscient, de « genrer » un mot. Décider que ce mot est « genré » masculin ou féminin est une décision sociétale, ou commerciale.
Je m’explique. Le genre est façonné par notre société, dans un lieu et un temps donnés. Un métier pratiqué par des femmes peut être défini comme féminin. Prenez les infirmières par exemple. Cette profession est majoritairement exercée par des femmes. Du coup, la liaison est vite faite de dire que le métier d’infirmier est un métier « féminin ». Jusqu’au moment où un homme souhaite devenir infirmier, et là, le bât blesse.
Dans l’autre sens, un métier dit masculin comme celui de pompier pose problème quand des femmes veulent le pratiquer.
Une réponse qui a été apportée est de modifier les noms des métiers et de les adapter au féminin et au masculin. Une femme est cheffe, un homme est infirmier. Cela s’appelle le langage « épicène », qui rend la lecture de textes parfois bien difficile mais qui a le mérite de donner des énoncés au masculin et au féminin. Par exemple, une entreprise recherche « un ou une responsable d’équipe, sous-entendu qu’une femme ou un homme peut postuler.
En conséquence, le métier d’infirmier ou de pompier ne sont plus féminins ou masculins. Un homme peut être infirmier, une femme infirmière, un homme pompier, une femme pompière. Les métiers sont « genrés » pour satisfaire aux deux sexes.
Mais voilà que le problème s’est déplacé sur les compétences. Tout le monde, homme ou femme, peut devenir infirmier ou infirmière, ou pompier ou pompière, car ce qui compte ce sont les compétences.
Par exemple, une des compétences d’une personne qui exerce le métier d’infirmière est la douceur. La douceur est une compétence qui n’a pas de « genre » particulier. Un homme peut être doux. Une femme peut être douce. Mais comme ce sont des femmes qui sont majoritairement infirmières et que cette compétence leur est attribuées pour exercer ce métier, on dit que « la douceur est une compétence féminine ». Cela s’appelle un biais de genre.
Bien sûr, allez-vous vous exclamer, le mot « douceur » est un nom commun féminin. C’est exact, comme vu plus haut, le genre grammatical est bien féminin, comme « la force ». Bien que de genre grammatical féminin, la force est considérée comme une compétence « masculine ». Ce sont les hommes qui sont « forts ».
Un stéréotype est présent quand on associe un attribut à l’homme, ou à la femme, comme étant dans sa nature, comme s’il était né avec, comme si cela faisait partie de sa biologie, en l’affublant de l’attribut « masculin » ou « féminin ». Dire que les femmes sont douces ou que les hommes sont forts sont des stéréotypes. Toutes les femmes et tous les hommes sont capables de « douceur » ou de « force », mais notre société (à un temps et dans un lieu donnés) a décidé de « genrer » ces compétences. La douceur est féminine pour les femmes, la force est masculine pour les hommes.
Le risque est énorme de stigmatiser, séparer, diviser, les compétences en féminin et masculin. Les compétences dites féminines sont par exemple la douceur, l’empathie, la gentillesse, l’écoute. Les compétences dites masculines sont par exemple le leadership, l’autorité, la force, la prise de risque.
La difficulté vient du fait que si une femme démontre une compétence de douceur, elle se situe dans son stéréotype de genre : « les femmes sont douces ». Il en va de même si un homme démontre une compétence de leadership, il se situe dans son stéréotype de genre : « les hommes sont des leaders ».
En revanche, si une femme n’est pas douce, mais autoritaire, elle transgresse son stéréotype de genre. Ce qui provoque au mieux la surprise, au pire le rejet. Le terme utilisé pour décrire une femme qui s’énerve, par exemple, est « hystérique » D’autre part, si un homme transgresse son stéréotype de genre, et qu’il montre qu’il est « doux », cette compétence « molle » s’ajoutera à son palmarès de compétences.
 
« Genrer » les compétences revient, comme avant quand les métiers étaient genrés, à créer un cloisonnement entre deux catégories, et de provoquer un étiquetage d’être ou de ne pas être de la catégorie en question.
Pourtant, une compétence n’a pas de genre au sens d’être « genrée », féminine ou masculine. Une compétence est ce qu’elle est et une personne, homme ou femme, l’a ou ne l’a pas, peut la développer ou pas.
Les seuls attributs qui différencient les femmes au quotidien sont d’ordre biologiques, comme la maternité et ce qui l’entoure. Un homme peut être ponctuel, une femme peut être ponctuelle. Un homme peut soigner un malade, une femme peut soigner un malade. Un homme peut piloter un avion, une femme peut piloter un avion.
« Genrer » les compétences provoque les situations suivantes : soit le renforcement du stéréotype (une femme est douce, toutes les femmes sont douces, donc pour ce poste demandant de la douceur nous choisirons une femme).
Sinon, l’autre option est la transgression du stéréotype, comme par exemple de choisir une femme à fort leadership pour diriger une équipe, en prenant le risque de provoquer l’exclusion ou le rejet de la femme en question car elle ne correspond pas à l’image, au stéréotype, que les membres de l’équipe ont des femmes. Ou une femme informaticienne qui, dans une équipe d’hommes sera challengée sur sa « féminité ».
Afin d’éviter le piège des stéréotypes, et de leur renforcement, il est urgent de ne pas assimiler une compétence à un genre, ni à un métier. Dire que l’informatique ou la sécurité sont des métiers masculins sous-entend que ce sont les hommes qui les pratiquent et que les femmes ne peuvent pas les exercer, quand bien même les compétences qui les constituent peuvent très bien être développées chez les femmes ou chez les hommes.
Les compétences existent chez les hommes et les femmes, et la valorisation des compétences passe par une « neutralisation » des genres. En voulant éviter de créer des catégories de métier pour « homme » versus « femme » on crée des catégories encore plus sournoises par les compétences étiquetées « féminines » ou « masculines ».
La douceur est en chaque personne, homme ou femme, tout est question d’éveil et de développement. La confusion vient du fait de vouloir étiqueter, genrer, en masculin ou féminin tous les termes, les mots, les noms communs. Le seul genre qui existe est le neutre, qui peut s’approprier le masculin ou le féminin, comme « Das Kind », qui est l’enfant, adulte en devenir, et qui, bien que fille ou garçon, peut rouler en vélo rouge et éviter les stéréotypes du vélo rose barbie ou du vélo bleu superman.

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