La grossesse, tabou professionnel ?

La loi le dit clairement, un employeur ne peut pas demander à une femme qui postule si elle est enceinte…
Nous serions-nous trompées ? L’intention positive derrière une telle interdiction est d’éviter qu’une femme ne soit pas engagée en raison d’une éventuelle grossesse. Car un employeur engage une personne pour ses compétences en adéquation avec un poste, et le fait qu’elle puisse être enceinte ou pas ne doit pas influer sa décision. En d’autres termes, il n’engage pas une mère mais bien une employée.
C’est juste. La seule difficulté est que derrière cette intention positive de protéger les femmes, se cache une conséquence sournoise et vicieuse… les employeurs n’engagement plus de jeunes femmes.
La maternité est devenue un problème…
Face à cette situation, le continent noir est devenu, sournoisement, un trou noir. Un truc sombre et effrayant qu’on ne connaît pas très bien et qui fait un peu peur. La maternité est taboue.
L’un des plus beaux événements de la vie d’une femme, et d’un homme, est ainsi transformé en un problème, un obstacle à l’emploi, un truc dont on ne parle pas, un tabou de nos grand-mères, invisible donc ouvert à toutes les suppositions, crimes de sang, mensonges, secrets de famille, maladies honteuses et autres furoncles qui empoisonnent l’existence.
La maternité muselée, muette, cachée, indicible… le pas est facile à franchir avec sale, honteuse, perverse.
Et pourtant ! La maternité est l’un des événements les plus extraordinaires ! C’est une belle nouvelle pour le couple qui s’aime, pour les deux familles, pour la société civile qui compte un nouveau citoyen, pour la société économique qui pourra compter sur un nouvel agent de production. Bref, faire des enfants est bien pour tout le monde, privé et public. Alors ?
Alors il est temps de transformer cette maternité-problème en maternité-solution. Il est temps de valoriser la maternité, et pour ce faire, il faut en parler.
Le contexte doit être également recadré : non la maternité n’est pas qu’un problème lié à la femme. La maternité est un miracle lié à une femme et un homme. C’est le premier recadrage essentiel. Sauf cas particuliers, un bébé naît de deux parents. Les deux sont concernés, le père et la mère (ou les deux mères ou les deux pères).
Ensuite, la maternité est une chance pour la société, pour l’entreprise, pour les individus. Une femme qui est accompagnée dans son entreprise durant sa période de maternité sera loyale et heureuse de continuer à travailler et grandir dans cette entreprise. Et comment faire pour que l’entreprise soit heureuse de compter parmi ses employés une femme qui va donner naissance ? En sachant qu’elle peut compter sur son employée et en pouvant prévoir son parcours professionnel. Et comment fait-on cela ?
En en parlant. Et surtout en en parlant avant. Au même titre qu’une femme et un homme parlent de leur projet de faire un bébé, avant de faire le bébé dans la grande majorité des cas, une entreprise pourrait en parler avec son employée avant que celle-ci annonce sa grossesse. Vous aimez vous, vous retrouver devant le fait accompli ? Etre le dernier informé ? Non, on déteste cela. Et c’est ce que la femme fait avec son employeur. Elle attend le troisième mois pour être certaine que la grossesse tient, si elle ne prend pas trop de ventre, elle le tait encore un mois ou deux et paf ! A quatre mois de l’échéance, elle finit par le dire aux RH. Et c’est le branle-bas de combat. Il faut trouver du remplacement, qui va s’occuper de la formation, des dossiers… sans compter le sentiment, le même que le vôtre, d’être informé en dernier…
Dans le couple, les deux sont partenaires et ils décident ensemble, en fonction de leur désir et aussi d’autres critères matériels le timing de la naissance. Peut-être qu’il vaut mieux avoir trouvé un appartement, ou un travail, ou de passer les fêtes, arrêté de fumer, que sais-je. Le couple discute de son désir d’enfant comme deux partenaires privés.
Il pourrait en être de même dans les entreprises. Car c’est aussi un partenariat entre l’employée et son entreprise. Dans le même ordre d’idées, les deux pourraient discuter, avant la grossesse, des circonstances, critères et conditions. Comme par exemple de finir une formation avant de se lancer, ou de préparer la relève, le remplacement par une collègue, organiser un suivi léger depuis la maison ou toute autre suggestion discutée par les deux partenaires, l’employée et l’employeur. Et au même titre que le couple va s’organiser pour après, une fois que bébé est né, avec une nouvelle chambre, un système de garde, la famille qui contribue, le femme peut s’organiser avant avec son employeur pour après. Quand elle reviendra. Quel pourcentage, le même poste ou un autre poste, la durée d’un ralentissement de sa carrière, comme de dire par exemple que pendant deux ans elle va travailler à 80 % et ensuite elle reprendra à 100%.
Dans le monde idéal que nos jeunes sont en train de construire, j’imaginerais même une relation de partenariat entre l’entreprise et le couple. Pas seulement la maman, mais l’entreprise face à la femme et l’homme (ou deux parents) pour impliquer aussi monsieur à l’organisation du « après ».
La maternité, le dernier tabou ? Oui, la maternité considérée comme un problème n’apporte que des soucis, à la femme, à l’homme et à l’employeur. La maternité considérée comme une chance apporte à la femme, à l’homme impliqué et à l’employeur l’opportunité de continuer de grandir ensemble.
Parce que la maternité nous concerne tous, nous sommes tous nés d’une femme, même les employeurs. Si j’étais jeune femme aujourd’hui je jouerais la franchise et je le dirais à mon futur patron. Oui nous voulons des enfants avec mon chéri et oui je souhaite travailler dans votre entreprise, avant, pendant et après ma grossesse. Comment peut-on s’organiser ensemble pour que nous soyons tous contents ?
Moi, si j’étais l’employeur, j’engagerais cette jeune femme. Pas pour la grossesse, mais pour ses valeurs : son honnêteté, sa sincérité, son courage, son sens de la prévision, de l’organisation.
Je saurais que je pourrais compter sur elle.

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