Il m’est arrivé une histoire qui vous est sans doute aussi déjà arrivé, peut-être. Un jour que je roulais sur l’autoroute, je me suis retrouvée, plongée dans mes pensées, à sursauter au signal que ma voiture me donnait de faire le plein. J’étais sur la réserve. Je regardais le nombre de kilomètres que ma petite voiture me communiquait comme restant possibles, et calculais dans ma tête quand était la prochaine aire avec une station-service. Elle était bien plus loin, bien trop loin. J’allais tomber en panne. Rien que la perspective de me retrouver plantée au milieu de nulle part, de faire appel à un dépanneur, de devoir payer des amendes et de passer un temps de folie à arriver me faisait soupirer.
En roulant, je constatais que quand je ralentissais, j’avais quelques kilomètres de plus qui s’affichaient au compteur dans mon solde restant. Je refis mes calculs et en roulant beaucoup moins vite, je compris que je pouvais arriver à la station essence, sans me retrouver en panne au bord de l’autoroute. Je n’ai jamais été doublée autant que ce jour-là ! Je respectais quand même la vitesse minimale, afin de ne mettre personne en danger, et restais tranquillement sur la voie de gauche.
Cette histoire de plein d’essence est une métaphore de notre vie, de notre parcours dans cette vie sur terre. On roule très vite, tellement vite qu’on ne voit pas le paysage, qu’on ne fait pas attention aux autres, qu’on leur crie des injures quand ils roulent trop vite, ou trop lentement. On fait la course avec ceux qui, comme nous, vont vite. On prend des risques, on est attentif aux radars, aux policiers qui pourraient nous arrêter car on est au-dessus de la vitesse réglementée. On raconte à ses amis le peu de temps qu’on a mis pour aller de « ici à delà »… On ne s’arrête pas pour ne pas perdre de temps. Et plus on va vite, plus vite on est arrivé à destination.
Sauf que la destination, dans notre vie, c’est la mort. On consomme plus d’essence quand on roule vite. Si vous roulez très vite, votre plein va vous permettre d’arriver vite à destination, en stress, sans avoir vu grand-chose de ce qui se trouvait sur les côtés. Vous aurez utilisé votre carburant très rapidement, car vous roulez très vite.
La prise de conscience est relativement aisée : en ralentissant, je peux rouler plus longtemps. Je pollue moins, je vois plus de paysages, je peux porter mon attention sur plus de choses dans ma vie, je peux écouter, regarder, partager, discuter. Je suis moins fatigué.e, stressé.e, énervé.e. Je suis dans le présent avec les êtres qui y sont aussi.
Votre plein d’essence est le symbole de votre vie, à la différence que dans notre vie, il n’y a pas de station où on peut refaire le plein. On n’a qu’un seul plein d’essence. En d’autres termes, quand on ralentit, on vit plus longtemps.