Femme de papier, femme glacée ?

Dame nature, ou toute autre divinité, nous a donné des sens pour l’appréhender. Six, dit-on. C’est par nos sens que nous percevons ce qui nous entoure et qu’ensuite, seulement ensuite, l’humain peut penser. On ne peut penser, ou réfléchir, ou imaginer, ou discuter, ou dessiner, ou parler de quoi que ce soit qui n’ai été auparavant… « senti ». Nos pensées sont des réactions à nos sens, nos sentiments sont liés à nos sens. Pour aimer ou ne pas aimer, il faut d’abord sentir, ou ressentir.
Et que veut dire res-sentir ? Sentir est la fonction de nos sens. La rose que vous tenez à la main interagit avec vous par tous les sens. La vue, tout d’abord, elle est belle, elle est rouge, ses pétales se serrent autour d’un coeur fragile et précieux, la peau veloutée, vous la voyez belle. Ensuite vous la portez à vos narines, la douce exhalaison vous chatouille le nez, vous humez, encore et encore. Votre odorat est en éveil et il invite votre bouche à goûter… Vous léchez le pétale, il déclenche une envie de gourmandise qui vous fait saliver. Et là, vous aviez oublié que la belle rose a des épines, votre doigt saigne, la douleur a été immédiate et forte, mais déjà finie, car vous sucez la plaie. Vous avez touché l’épine, elle vous a blessé, vous a griffé. Votre peau est marquée. Vous entendez presque la rose dire « excuse-moi », votre oreille et attentive, elle écoute…
Votre sens qu’on dit sixième vous chuchote qu’elle vous fait penser à votre amie, celle qui vous parle le matin… et le téléphone sonne, c’est elle.
Nos sens sont nombreux pour nous permettre à donner plusieurs dimensions à chaque chose que l’on croise, à chaque événement que l’on vit. Cette richesse permet de voir en la rose une belle fleur, qui sent très bon, qui nous caresse ou nous pique, qui nous donne envie de croquer ses pétales et qui nous fait penser à des femmes belles comme elle. Tous les sens sont on exergue, on se comble de notre présence par toutes ces merveilleuses perceptions.
Que ce soit la rose ou la femme, la beauté réside dans les sens attisés, éblouis, charmés, heurtés parfois qui sont vécus dans le moment ou dans le souvenir.
Oui mais… la femme, du moins certaines d’entre elles,  se prive de tous ses sens. La femme des magazines se voit sur image en deux dimensions. La femme est une photo, un tableau… sans parler des retouches… Seul le sens de la vue est aiguisé. La femme de papier n’a plus d’odeur, plus de goût, plus de toucher, plus de sons. Elle n’est que le reflet pâle, figé, glacé de la femme qu’elle n’est pas dans sa réalité. L’image tue les sens. L’image glace la femme, qui n’existe pas.
Madame, éteignez l’image, et la Femme sera.

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