Dans la série des tiques qui nous harponnent et nous accompagnent au quotidien, une qui revient très souvent avec le sourire est celle du « pas de problème ». Une tique très résistante.
Cette expression : « pas de problème » pose problème à plusieurs niveaux. Tout d’abord, elle comporte une négation. Pour ceux qui ont un peu de peine, la négation est ce qui nie, ce qui est négatif, ce qui est le contraire de ce qui est. Une négation en français est l’opposé d’une affirmation. « Je suis jolie » est une affirmation. « Je ne suis pas jolie » est une négation. Qui n’a rien à voir d’ailleurs avec le fait que je sois, ou pas, jolie. Ce problème linguistique est caché dans le jugement, quand il est associé au verbe être, ou avoir dans l’action. Il n’est pas… ceci ou cela. Elle n’a pas fait… ceci ou cela. Donc le premier problème est celui de juger que « ce n’est pas un problème ». A la demande « vous venez déjeuner dimanche à la maison ? », la réponse « pas de problème » raisonne comme un jugement que ce n’est donc pas une corvée de venir déjeuner.
Ensuite, d’un point de vue neurologique, la négation n’existe pas (j’adore ce paradoxe qui dit déjà le contraire). Exprimer « il n’y a pas de problème » exprime en fait qu’il y a bien un « problème ». Quand je vous dis « Ne pensez pas à une voiture rouge », paf, que faites-vous, ? Vous pensez à une voiture rouge. Donc le deuxième problème de cette tique est le sous-entendu qu’il y a donc bien un problème. A la question : « Tu peux nourrir le chat ? », la réponse « pas de problème » sous-entend que nourrir le chat est un problème. Vraiment ?
Le dernier point intéressant à cette tique est qu’à force de dire que ce n’est pas un problème, on a le sentiment de devoir trouver des solutions tout le temps. « A tout problème sa solution » est un adage d’une perversité incroyable. Tout comme la tique, il cache bien son jeu. Je dis souvent qu’il faut se méfier des petits génies qui ne font que trouver des solutions aux problèmes. Car ce qui les fait trouver des solutions c’est bien qu’il y a des problèmes. Et pour pouvoir briller avec leurs solutions, il leur faut des problèmes. Vite, un problème, sinon je ne suis plus ! Et voyez-vous, c’est dangereux. Un peu comme un arrache-tique qui, sans tique, ne sert à rien.
Si vous vous sentez dubitatif devant cette petite tique du « pas de problème » que vous trouvez finalement assez moche, remplacez-la par un joli papillon du genre « avec plaisir ». Lisez à voix haute ce qui suit et écoutez la mélodie : « Tu peux nourrir le chat ? Oui, bien sûr, avec plaisir ». Ou bien « Vous venez déjeuner la semaine prochaine ? Oui, avec plaisir ». De la négation on bascule sur l’affirmation. On dit la même chose, mais l’énergie, elle est très différente. D’un mot négatif, on passe en mode positif.
Et vous savez quoi ? quand je dis un mot à une personne, nous sommes deux à vivre ce mot. Il se double. Quand je vous dis « problème », je crée deux fois le mot « problème », une fois pour moi et une fois pour vous, je crée deux problèmes. Alors que quand je dis « plaisir », nous sommes deux à le vivre, et le plaisir se double, il y a deux « plaisirs ». Nous avons vous et moi le plaisir partagé. C’est magnifique ! C’est si simple de créer son environnement positif ! A vous d’ôter vos tiques !